Je suis une minette, j’ai 11 ans et je suis malade…

Deux jeunes personnes sont venues chez moi avec une grosse boîte.
J’ai senti une odeur qui m’a donné l’eau à la bouche.
Je suis rentrée pour aller goûter cette nourriture qui me tentait, bien que depuis quelque temps, je n’ai plus goût à rien.
La boîte s’est refermée, mais tout allait bien, j’ai continué à manger, j’avais confiance.

Ensuite, la boîte s’est mise à bouger et j’ai été transportée dans ce que les humains appellent une voiture. Nous, les chats et les hérissons,  nous les appelons « les monstres d’acier ». Nous en sommes bien trop souvent les victimes. Après un court voyage, je me retrouve alors dans un endroit inconnu, mais qui ne me fait pas peur. J’ai pu manger de bonnes croquettes et de la pâtée. C’est une jeune personne qui est venue me les apporter. 
Elle s’est approchée de moi en regardant mon ventre d’un air triste. 

Oui, mon ventre est dans un état critique : j’ai une tumeur mammaire qui n’a pas été prise en charge par mon propriétaire. 
Je n’ai reçu aucun soin depuis que j’ai commencé à en avoir les premiers signes… 
Je ne méritais pas de subir cette douleur quotidienne, ma perte de poids… je n’avais aucun traitement. Mais j’aime mon maître : il m’a donné tout l’amour dont j’avais besoin, un toit, de la nourriture… 
Je suis reconnaissante. Mais aujourd’hui, voilà dans l’état dans lequel je me trouve. C’est à cause de cette pilule contraceptive que je prends depuis que j’ai atteint l’âge de me reproduire. 

Je souffre, j’ai mal, mais je le garde pour moi. Un chat ne montre jamais sa souffrance, car cela le rend vulnérable envers les autres prédateurs.

Ici, le prédateur est la maladie.

C’est elle qui vit… pas moi.

Je vois dans les yeux de cette jeune personne de l’incompréhension, comme si elle cherchait à comprendre pourquoi on m’avait laissé vivre de cette manière, avec autant de souffrance. 
Elle s’est approchée de moi et m’a parlé. Elle m’a dit que tout irait bien, qu’elle était là pour m’aider. 
Et elle m’a fait des papouilles tout en parlant avec une voix douce. 
J’étais bien apaisée, je me suis mise à ronronner et j’ai profité de ce moment de tendresse. Je ne voulais pas lui faire de la peine mais, au fond de moi, je savais bien que ce n’était pas vrai. Mais j’avais tellement besoin de réconfort et d’amour…

Le lendemain, la jeune personne m’a déposée chez un vétérinaire de l’association. Il paraît que l’on aurait pu m’offrir une stérilisation, qui m’aurait évité d’être malade. Cela n’aurait pas coûté plus cher que la pilule prise depuis des mois. Cela m’aurait évité beaucoup de souffrance. Et surtout, je pourrais encore vivre !
Je crois que la jeune personne a bien du mal à accepter ce que le vétérinaire lui explique. Il faut me laisser partir.

Ne pleure pas jeune fille ! Tu fais tellement pour nous, les oubliés des hommes. Raconte-leur mon histoire pour qu’ils sachent. Ils ne pourront plus dire : je ne savais pas.

Heidi et Marion – juin 2021

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