La fin de vie d’un compagnon

Comme nous, nos animaux de compagnie ne sont pas éternels. Comme nous, ils vieillissent et comme nous, ils peuvent tomber gravement malades. Comme nous, ils peuvent mourir jeunes.
Que cela nous paraisse juste ou injuste importe peu. La situation est là et doit être gérée.
Alors que l’euthanasie fait débat pour les humains, elle est pratiquée depuis longtemps pour les chiens et les chats.
Qu’est-ce que l’euthanasie (« la mort douce », en grec) ?
Le don de la mort est un moment très riche en émotions. Il ne peut en aucun cas être agréable mais il peut – et doit – se passer de manière douce et apaisée. Il n’y a jamais de bons moments pour voir son animal mourir, mais il y a des conditions qui permettent que ce soit fait de la meilleure façon possible.

La première chose importante est que l’animal soit gravement malade.
Cela paraît évident à tout maître responsable, mais il existe encore des demandes d’euthanasies dites « de confort » où le propriétaire souhaite simplement se débarrasser de son animal qu’il juge trop encombrant. J’ai toujours éconduit ces personnes.
Il est d’autres situations où l’animal est effectivement malade, et soignable, mais où le maître se fait une fausse idée des traitements et de l’évolution. Il n’arrive pas à gérer le stress que lui procure la maladie. Il s’en fait tout un monde et se sent écrasé, voyant l’euthanasie comme seule porte de sortie à une situation inextricable. Ce propriétaire est malgré tout aimant et a juste besoin d’aide.
Le vétérinaire est là pour le rassurer et l’informer. La situation n’est pas insoluble et l’épreuve n’est pas surhumaine.

La deuxième chose importante est que l’animal soit médicalisé.
Il est essentiel qu’un traitement soit déjà en place.
Un grand nombre de maladies à évolution fatale peuvent être ralenties ou atténuées avec efficacité. En outre, les progrès de la médecine ont permis l’apparition de nouveaux anti-douleurs permettant une prise en charge efficace de la souffrance.
La décision d’euthanasie est un constat d’échec, pas une réponse aux préjugés du détenteur. On n’euthanasie pas un animal avant de savoir s’il va répondre au traitement.

Il faut que la qualité de vie de l’animal soit altérée.
Qu’il souffre physiquement ou psychiquement.
Un animal paralysé des membres peut n’éprouver aucune douleur, mais souffrir de son immobilité forcée. Par opposition, un animal bien médicalisé peut avoir une vie parfaitement normale, même si l’on sait que l’évolution sera fatale à long terme. Quelques semaines de vie, c’est beaucoup s’il ne souffre pas et continue à échanger avec son maître.

Il faut que la décision vienne du propriétaire.
Ce n’est pas aux proches et autres relations du maître de choisir pour lui. C’est lui qui doit affronter la situation et c’est encore lui qui affrontera le deuil. Le vétérinaire peut conseiller les personnes bien sûr, mais il n’est pas le maître, il ne vit pas avec l’animal.

Il faut être doux et posé.
Ces moments seront définitifs. Pour moi, il est essentiel d’agir dans le calme et de prendre le temps. L’animal doit être manipulé avec précaution, le maître doit être écouté et son chagrin respecté. Avant de commencer, j’explique le déroulement au propriétaire. L’animal est tranquillisé. Les quelques minutes pendant lesquelles il s’apaise et perd progressivement conscience permettent au maître de s’adresser à son compagnon et lui dire adieu. Je reste avec eux, répondant aux questions et surveillant le processus. Une fois l’animal profondément endormi et le maître prêt, j’administre une dose anesthésique forte et sur-dosée à l’animal. Il passe alors d’un état de sommeil à celui de coma profond. Petit à petit, tous les muscles s’endorment et cessent de fonctionner, jusqu’aux muscles cardiaques et respiratoires. Le décès est prononcé.
Certains maîtres ne souhaitent pas assister aux derniers instants ou à la « piqûre finale ». Ils peuvent en ce cas attendre dans une autre salle. Ce refus ne signifie pas un manque d’affection, mais simplement un incapacité propre. Ils ne s’en sentent pas capables et ils ne doivent pas être forcés.
Je propose toujours quelques minutes aux personnes qui souhaitent se recueillir seules quelques instants auprès de l’animal décédé. Ces instants sont toujours extrêmement importants pour le deuil qui suivra.

L’après.
L’accompagnement ne s’arrête pas aux décès de l’animal. Celui-ci ne souffre plus, certes, mais le maître commence un chemin parfois long et douloureux : le deuil. Ce n’est pas parce qu’il existe des choses plus graves que la mort d’un animal que celle ci doit être prise à la légère. La mort est la même pour tous, humains et animaux. Celle de l’animal de compagnie peut être le tout premier deuil du propriétaire comme elle peut lui rappeler des deuils précédents. Dans tous les cas, c’est une situation de souffrance forte.
Je conseille toujours aux maîtres de s’écouter et s’épancher. Le deuil est une période difficile où l’affectif domine au détriment du rationnel. Satisfaire les envies ou besoins particuliers permet d’alléger le fardeau. Leur compagnon mérite leurs larmes et il n’y a pas de honte à les pleurer. Si le maître éprouve le besoin de garder quelques poils de l’animal dans une enveloppe, ou l’empreinte de ses coussinets, je n’y vois rien de saugrenu.
Le devenir du corps de l’animal dépend des aspirations du propriétaire. Certains souhaitent le mettre en terre eux-mêmes dans un terrain leur appartenant, d’autres choisissent l’incinération. Cette dernière peut être collective ; dans ce cas, l’animal sera incinéré avec d’autres et les cendres, indissociables les unes des autres, seront enterrées dans des sites dédiés. Pour les personnes qui ont besoin de garder un support physique du souvenir, l’incinération individuelle permet la récupération des cendres du compagnon dans une urne. Toutes les demandes doivent être satisfaites si elles sont possibles. L’animal peut être incinéré avec un objet, une lettre, photo, fleur, dessin…

Il faut ensuite laisser le temps apaiser la souffrance et alléger la peine. Je prends la plupart du temps des nouvelles par téléphone après quelques jours, en signalant la prise en charge du corps ou le retour des cendres.
Le décès de l’animal, s’il établit la fin de mon rôle de vétérinaire, ne signifie pas son oubli, ni celui de son maître. Donner la mort est un acte pénible, douloureux, et je porte le deuil de chacun de ces animaux. Chaque petit geste, chaque parole et surtout chaque condition précitée est un soutien pour les semaines qui suivront.

Dr K.

 

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