Un sauvetage inhabituel…


Les fêtes viennent de se terminer et les vacances scolaires durent encore un peu. 
2019 commence gentiment et on s’échange des vœux de bonheur, de santé et de prospérité autour de gâteaux bien présentés sur des nappes rouges. 
Malgré la période, les bénévoles sont sur le pont et un post un peu particulier, relayé par Estelle, va électriser tout ce petit monde de la protection animale : un élevage de NAC (nouveaux animaux de compagnie), fournisseur des animaleries, ferme ses portes à la suite d’un événement tragique. Les animaux doivent sortir de là au plus tôt car leur vie en dépend, et les associations de protection animale sont sollicitées par la SPA locale, relayée par 30 Millions d’amis. L’idée est de sécuriser les adoptions ultérieures par les associations partenaires, aucun particulier n’étant autorisé à adopter directement.
On parle de 2.500 à 5.000 hamsters, gerbilles, lapins, cochon d’Inde, rats, souris… chacun est sollicité pour en accueillir, puis les faire adopter sous condition. Il y en aurait 5.700 en fin de compte.

A Nîmes, Audrey, Hélène et Camille, bénévoles aux Chats libres de Nîmes Agglo comme Estelle, ont entendu l’appel… et se mobilisent. Elles comptent les cages disponibles à première vue, sollicitent leur entourage, s’organisent pour accueillir quatre hamsters et deux cochons d’Inde. Ce n’est pas beaucoup, mais elles veulent participer et surtout, elles savent que pour ces bêtes-là, leur geste fera toute la différence. 
Deux d’entre elles, justement disponibles en ces périodes de fêtes, se portent volontaires pour aider sur le terrain. Un covoiturage d’animaux est prévu le jeudi et un camion va descendre du Puy en Velay jusqu’au dessus de Bagnols-sur-Cèze. 

Un rendez-vous est pris avec le contact du sauvetage, Yaël, qui préside l’association  C comme Chat  et nous savons que ce sera dans l’après-midi. En attendant de quitter Nîmes, nous réfléchissons à ce que nous pouvons faire : recenser les boîtes de transports adaptées, les garnir de foin, en improviser d’autres avec des cartons du magasin d’à côté, en se disant que cela pourra potentiellement aider d’autres associations sur place… L’ébullition est à son comble. 
Le Refuge des quatre pattes a répondu présent à l’appel et nous a fourni trois grosses boîtes de transport pour des lapins à leur ramener.
La question des compétences vient vite sur le tapis. Nous devons y aller tant pour récupérer des animaux que pour aider au sexage et là… comment dire… nous avons moins l’habitude avec les rongeurs qu’avec les chats !  
Et puis nous réfléchissons et nous souvenons : « Ah, mais j’ai eu des lapins autrefois, j’ai eu aussi des gerbilles… ça doit marcher pareil, non ? Et aujourd’hui, Internet nous dit tout, c’est formidable  ! ». Le voisin qui passait par là avoue avoir eu des lapins en quantité et il est recruté sur le champ. Le niveau de stress baisse d’un cran d’un seul coup, merci Cyril !
L’heure du rendez-vous se précise et les boîtes sont chargées dans la voiture, façon tétris. Les passagers y entrent tout juste. Il n’y a rien de trop et nous sommes partis à la fois ravis et un peu inquiets de l’état des animaux, dont certains seraient malades. Nous verrons bien. 

Première étape : nous rejoignons Yaël, dans une brasserie, où nous attendons des nouvelles du camion. Il est parti plus tard que prévu de l’élevage, qui est assez loin mine de rien, et les Nîmois entrevoient un retour tardif, mais sans plus. La suite montrera que nous étions bien loin du compte, comme vous allez voir.
Un coup de fil nous arrive : le camion est sur le point d’arriver à quelques kilomètres de là et nous garons la voiture dans un quartier résidentiel plongé dans la nuit et balayé par le vent de l’hiver. Nous apercevons dans la pénombre des véhicules d’où sortent d’autres bénévoles. Nous ne nous connaissons pas, mais nous sommes tous là pour la même histoire, cela rapproche. Des bonsoirs et des « bonne année » s’échangent timidement.
Le camion arrive. C’est un véhicule de location, type déménagement, qui se gare sous un lampadaire. Les portes s’ouvrent sur des cartons et des caisses en plastique blanc. Ils sont enfin là. 
C’est une image assez particulière en réalité, quasiment surréaliste. 
C’est la nuit, il fait froid et il y a du vent. Des personnes emmitouflées et de tous les âges sont regroupées autour du camion, des listes ou des boîtes de transport à la main. Certains se pressent, posent des questions, commentent, etc. Le démarrage est assez confus, mais cela ne dure pas. Nous savons rapidement que les animaux sont livrés dans les cartons, oui, les gros cartons qui sont là, énormes et entassés, sur lesquels il y a le nom des destinataires et le contenu, ce qui tombe plutôt bien. Sauf que. Sauf que les voitures sont arrivées pleines à craquer de boîtes de transport vides et que nous ne pourrons pas y loger cartons ET boîtes. 

Petit aparté : vous n’imaginez pas les trésors d’ingéniosité déployés par les membres de l’équipe pour trouver ne serait-ce que des cages ! Entre les appels sur Facebook, les affiches dans les quartiers, les visites sur les sites de type Le Bon coin, tout a été fait !

Revenons à notre camion plein d’animaux…
Nous décidons de les transférer des cartons dans les boîtes de transport, plus sécures, car les lapins ont commencé à ronger certains cartons, l’urine les ramollit, etc. Dans la nuit, avec le vent qui ne faiblit pas, nous pouvons voir des personnes vider consciencieusement les voitures qu’elles ont chargées avec le plus grand soin trois heures avant. Après quoi, par binôme ou seuls, enfermés dans les véhicules par sécurité, les collègues attrapent délicatement les lapins pour les placer dans les boîtes de transport. Les petits rongeurs restent dans leur boîte d’élevage, car elles sont sécurisées et surtout petites. Les bénévoles qui sont dehors éclairent avec leurs téléphones (cela sert vraiment à tout ! ) au travers des pare-brises, évacuent les cartons vides et les remplacent par des pleins. Bon travail d’équipe.
Étape suivante : Yaël nous guide jusqu’au chalet où nous allons identifier les animaux, faire le point sur leur état et les répartir dans les familles d’accueil. 
C’est en pleine nature et nous découvrons un endroit chauffé où nous sommes très bien accueillis, notre hôte ayant même prévu une collation à notre attention. 
Les chats sur place sont sympas et nous observent avec attention depuis leur cage, où ils sont en soins.
Et cela tombe bien, car nous allons justement leur offrir un spectacle de choix en sortant un par un les rongeurs pour regarder leur ventre, leurs oreilles, leurs pattes, les passer à la lampe de Wood pour déterminer s’il y a présence de teigne ou non. Comme vous le savez sans doute, il faut que la pièce soit dans le noir pour que la lampe bleue mette en valeur le parasite, ce qui fait que nous avons, toute la soirée, transformé le chalet en boîte de nuit, la musique en moins, mais avec l’ambiance festive qui va bien quand même ! 
La répartition des tâches s’est rapidement calée et chacun a pu apporter sa contribution au travail du groupe dans la bonne humeur, jusque tard dans la nuit. Oui, parce que déterminer le sexe et l’état d’une quarantaine de lapins, une dizaine de hamsters et de rats, cela ne se fait pas en cinq minutes… Même si nous n’avons pas chômé, le temps est vite passé et une fois les animaux identifiés, il a fallu les répartir entre les différents hébergements.
Autre affaire que celle-là, car il y avait des propositions de famille d’accueil pour des cochons d’Inde, lesquels n’étaient pas dans ce transport. Du coup, impossible de confier d’emblée des lapins à la place, et ce changement de dernière minute a quelque peu perturbé notre équipe. Les cogitations sont allées bon train et après de nombreuses combinaisons envisagées entre les accueillants présents ou non, nos Nîmois ont fini par convenir que six hamsters et deux lapins feraient l’affaire pour eux. Les lapins des 4 Pattes étaient bien là comme prévu. Nous avons donc pu envisager de repartir. 
Nîmes à deux heures du matin en hiver, c’est le moment idéal pour décharger une voiture pleine de rongeurs… le temps de les installer dans leurs nouvelles cages et de bien vérifier que tout est sécurisé, une heure de plus était passée…
Trois Nîmois se sont couchés cette nuit-là, épuisés mais heureux d’avoir aidé ces animaux, conscients malgré tout que l’histoire n’est pas terminée, puisqu’après la période d’observation et/ou de traitement, ce sont des adoptants qu’il va falloir trouver !
Pour information, les collègues du haut du département ont passé une nuit blanche car il y a eu co-voiturage, dépôt d’une partie des animaux chez Estelle et de nouveau départ dans la nuit… et travail le lendemain, bien sûr !

Une chose dont nous n’avons pas parlé jusqu’ici, c’est l’état de ces animaux.
Un jeune hamster n’a plus d’oreilles, car elles ont été rongées par un autre plus âgé et particulièrement perturbé par le trajet. Beaucoup de lapines souffraient d’irritation de la vulve, sûrement à cause de litières trop sales. Certains lapins n’avaient pas de poils partout, sans que l’on sache pourquoi, et la lampe de Wood n’a rien détecté, nous plongeant dans une grande perplexité bleue. D’autres animaux avaient les oreilles blessées, de façon plus ou moins récente ; beaucoup avaient les pattes jaunes d’avoir trempé dans l’urine. Il y en avait aussi qui avaient des crottes plein l’arrière-train et d’autres très maigres… Et dans le lot, sûrement un maximum de lapines sont en gestation, bien évidemment. L’interruption de gestation étant délicate pour ces animaux, les familles d’accueil vont attendre vingt et un jours avant de les confier à des adoptants, en croisant les doigts pour ne pas avoir de surprise !

Cet élevage alimentait les jardineries. Voyez un peu ce qui existe en amont de ces vitrines attrayantes, où l’on n’hésite pas à vendre des vies et ce souvent, sans état d’âme.
Aujourd’hui, en écrivant ce texte, je me demande comment cela se passe dans les autres élevages. Ceux qui continuent à transformer des animaux en « machines à en produire d’autres », dans n’importe quelles conditions sanitaires, pour en retirer de l’argent. Toujours la même et triste histoire.

Cet élevage a été pillé depuis notre participation à ce sauvetage. Il restait des animaux et des personnes sont venues les voler, détruisant les installations, trois fois de suite en une semaine. Nous pensons que c’est pour alimenter les serpents. 
Le site aura été, selon nos sources, gazé le 10 janvier, avec ce qu’il restait d’animaux à l’intérieur. Les associations sont toujours mobilisées pour en sortir un maximum. Si vous ne pouvez pas héberger de chat, parce qu’évidemment nous en avons encore plein dans la rue qui attendent d’être hébergés, peut-être pourrez-vous adopter un hamster russe ou une lapine, et vous libérerez une place pour un autre à sauver de l’enfer.

Merci pour eux. 8 fevrier 2019

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