Un jeudi soir…

Avec Sylvie, nous avons une carte fidélité spécial trappage depuis plusieurs mois sur la place du Calvaire.
Place qui porte bien son nom pour de nombreux chats.
Entre les conducteurs qui considèrent les ruelles de cette ville comme un parcours automobile, les personnes de tout âge qui les chassent, les maladies, les bagarres, ils survivent malgré tout, en ne gardant aucune amertume vis-à-vis du genre humain.

Ce jeudi soir donc, re-belote, nous y allons. Certains, stérilisés récemment, nous reconnaissent et viennent nous saluer.
Mais bon, ce n’est pas le cas de la jeune minette de l’autre soir, ni de Marcel, le grand matou (eh oui, nous donnons souvent des prénoms à ces chats sans nom), deux chats que nous souhaitons absolument stériliser.
Nous décidons de nous garer un peu plus loin, là où il y a de petites haies où les chats peuvent se cacher.

Melchior5Un jeune chat noir vient à notre rencontre. Cela fait quelque temps temps que nous l’apercevons, mais il a un collier en plastique et nous nous pensons qu’il appartient à quelqu’un. Pourtant, il n’est pas identifié, ni par tatouage, ni par puce électronique. Sylvie apprend, en discutant avec des habitants du quartier, qu’il cherche absolument à entrer chez plusieurs personnes, telle une âme en peine, et ce depuis plusieurs mois. Il a souvent très faim.

Le minou se laissant caresser, porter et nous lançant des regards suppliants, nous décidons de le prendre avec nous.
Pas de caisse de transport. Tant pis, la trappe fera l’affaire ! Un peu de pâtée et hop ! Le voilà dans le coffre de ma voiture !

Une langue se délie. Nous apprenons que son ex-maîtresse est partie vers la capitale et a gentiment ouvert la porte de son appartement.
Dans le Code civil, l’animal était récemment considéré comme un meuble – le mot meuble est bien trop honorable pour un vulgaire chat. Pour un meuble, les gens arrivent toujours à trouver une petite place lors de leur déménagement. Son malheur à lui, c’est d’être un être vivant !

Je sais, ce n’est pas la première ni la dernière fois que je serai face à une telle situation, mais la rage monte en moi et me ronge, tant je me sens impuissante face à de tels comportements. Ma jambe droite s’alourdit de ne pouvoir mettre un coup de pied au derrière de ce genre de personne.

J’appelle Laure. Je sais que les familles d’accueil sont au bord de l’explosion, mais l’espoir est là et je veux qu’elle me dise ; « Oui, j’ai une place qui s’est libérée « … Mais il faut revenir à la réalité : les places sont très très chères en ce moment et il faudra le remettre à la rue après son passage chez le vétérinaire.

Symphony3Je dois raccrocher, car Sylvie m’appelle à quelques mètres de là.
« C’est la petite minette, elle est là ! »
— Où çà, là ?… Mais c’est un chaton ? » Tellement petite, tellement faible avec ses yeux tout « pégueux », rasant le sol, la petite minette noire à chaussons blancs est bien là, suivie d’un matou blanc qui fait quatre fois sa taille.

Nous l’appelons, elle nous suit, j’arme le piège. Il faut vraiment l’avoir, vu son état.
Heureusement, l’odeur du pâté aidant, la porte de la trappe se referme vite sur elle. Ouf !

Le lendemain, je les amène tous les deux chez le vétérinaire.

J’apprends par la suite que la petite souffre d’une terrible morsure infectée au niveau du cou, et qui aurait pu lui être fatale.
Elle a à peine sept mois et tellement de malheur dans sa vie…

Je décide de l’appeler Symphony, car son histoire aurait pu finir en Requiem – un prénom qui lui portera chance, je l’espère, comme un pied-de-nez à son triste passé.

Arrivée chez moi je pousse encore les murs. Mes autres chats en famille d’accueil leur laissent leur chambre –  certains sont un peu déboussolés et d’autres ont hâte d’avoir d’autres nouveaux copains.

Pour le chat noir, tout se passe bien, malgré le fait qu’il a grandi depuis le jour de son abandon et que son collier le marque autour du cou.
il est tellement reconnaissant, avec son regard qui me dit merci, tellement attendrissant quand il veut passer des heures sur mes genoux, tellement beau avec sa prestance, et son allure princière.
Melchior, le roi en persan, est un nom qui te va à merveille. Espérons que l’étoile du berger guidera les pas de ta future famille !
Tu mérites une vraie et merveilleuse vie, mon beau Melchior.

Isabelle Bruyant

Isabelle, discrète et efficace, accomplit un travail remarquable auprès des chats dit libres. Isabelle m’avait pourtant bien dit :  » Je veux bien tout faire, mais pas famille d’accueil  » ! Elle est devenue une bénévole estampillée Chats Libres de Nîmes Agglo, c’est à dire toute la ténacité, la fermeté, la persuasion, l’empathie pour tout être vivant que cela nécessite … C’est une vraie, une griffée !

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