De la colère à la résolution

chat-antonyCOLÈRE
Aujourd’hui, je suis sérieusement en colère.
 Comment attirer votre attention entre deux sujets sur les mignons, la plage, la « bronzette » ou les régimes d’été ? 
Comment vous soutirer cinq minutes de votre si précieux temps, que vous allez vous précipiter à perdre devant votre téléviseur à vous abrutir devant je-ne-sais-quelle-émission-poubelle ?
J’ai trouvé ! Une photo bien racoleuse, car la MISÈRE, ça attire toujours le chaland.
Je suis vraiment en rogne,
 aujourd’hui, le petit chat est mort.
DÉSESPOIR
C’est du DÉSESPOIR que j’ai senti en prenant ce chat dans mes bras.
Enfin non, la première chose que j’ai sentie sous mes doigts, c’est sa peau déshydratée, attaquée par la gale, qui roulait avec difficulté sur ses côtes saillantes, et son ventre gonflé par les vers.
C’est ensuite l’odeur qui rend compte de l’état de DÉTRESSE de cette pauvre petite âme, le coryza sur ses yeux crevés et ses voies respiratoires infectées et suintantes.
 L’odeur d’un animal mort.
Pour que tous les sens soient à la fête, c’est le bruit caractéristique de la difficulté respiratoire qui me choque ensuite. Il halète, son souffle est entrecoupé de sifflements et d’étouffements dûs aux glaires qui l’étouffent. 
Il se meurt.
Je l’ai bien senti, l’abandon, plus de lutte, ni pour m’échapper ni pour vivre. 
Il était résigné le petit chat, il n’avait plus d’espoir, je n’en avais guère non plus.
AMERTUME
C’est ce qui me reste dans la bouche, après que le vétérinaire m’ait annoncé le trépas du petit chat. 
C’était joué d’avance. Comment aurait-il pu survivre à ça ?
 Vous vous rendez compte des efforts qu’il aurait fallu pour sauver ce pauvre hère ?
Cinq minutes.
C’est tout ce qu’il faut, pour sauver un chat.
 5 PUTAINS DE MINUTES PAR JOUR.
Quelques-unes de vos précieuses minutes pour le nourrir, quelques croquettes et de l’eau fraîche, le soigner, et lui apporter un peu d’attention, juste le minimum syndical.
Ce n’est pas votre truc peut-être ?
Quelque chose m’échappe.
Vous êtes des centaines de milliers à signer des pétitions pour stopper la cruauté du festival de Yulin, en Chine, où des milliers de chiens et de chats sont mangés chaque année.
Vous êtes les premiers à vous révolter contre la corrida, les massacres “festifs” de dauphins des Îles Féroé.
Vous vous sentez l’âme d’un Nicolas Hulot pendant l’apéro, vous êtes contre Monsanto et la disparition des abeilles, vous débattez de longues heures sur la disparition des espèces tropicales en Amazonie et ailleurs, versez une  « larmichette » après le JT de 20H sur l’extinction des rhinocéros blancs.
Mais n’avez vous donc aucune conscience ! N’êtes vous capable d’aucune sincérité ?
Jusqu’où se prolonge votre égoïsme et votre hypocrisie, alors même que vous avez ignoré ce petit chat, là dehors ?
Vous ne lui consacrerez guère plus qu’un regard. Pas le temps : il faut vite rentrer se caler devant la télévision ou sur Facebook pour faire le voyeur et reluquer la vie des autres en espérant qu’elle soit moins merdique que la vôtre.
C’est facile de s’insurger à propos des problèmes insolubles à l’échelle humaine, ou quand ils sont à 10 000 kilomètres de chez soi, mais ça l’est bien moins quand on rentre d’une dure journée de travail et qu’il faut baisser la tête et regarder la misère à notre porte.
Consacrer quelques minutes chaque jour à un animal abandonné, affamé, malade, sans pouvoir en retirer quelque mérite, aucun statut Facebook, pas de like, pas de follower sur twitter pour applaudir le geste.
Juste un petit chat qui vous regarde, vous et votre envie d’aller vous vautrer sur le canapé. 
Un petit chat qui n’aura que ces cinq minutes de votre journée pour éclairer l’intégralité de la sienne, avec un bol d’eau, une poignée de croquettes et une caresse derrière l’oreille.
TRISTESSE
Avec toute cette colère et cette amertume, on en oublierait presque la tristesse. 
C’est elle qui reste au final, et qui restera encore quand j’y repenserai.
Il n’avait guère plus de trois mois, difficile à dire tant la malnutrition l’avait ravagé. 
D’ailleurs, je dis il, mais je ne sais même si c’était un mâle ou une femelle. Je l’ai conduit chez le vétérinaire avec tellement de hâte après l’avoir découvert que ça m’a échappé.
Quelle importance ? 
Aujourd’hui, c’est un petit chat anonyme qui est mort, tout seul, dans une cage, parce que personne n’a daigné l’aimer ne serait-ce qu’un tout petit peu.
De la tristesse, j’en ai pour tous ces chats qui ne croiseront personne pour les sauver d’une mort lente, pour tous ceux qui vous regardent avec prudence quand vous passez près d’eux sans les voir, et qui ne passeront pas l’été.
Aujourd’hui, j’ai le cafard, j’ai honte de mes semblables qui achètent des animaux “LOFF” à 2000 € et qui appellent la fourrière pour se débarrasser des chats des rues.
 J’ai honte d’être de la même espèce que vous.
https://www.youtube.com/watch?v=K0ddFXPtbjw
RÉSOLUTION
Alors, je vais continuer de regarder sous les voitures, même si le petit chat est mort. Pour essayer de soigner ses frères, ses sœurs, je vais laisser mon cerveau branché et ma télévision débranchée quelques minutes de plus le soir après le travail, pour essayer de sauver quelques petites vies.
Je vais continuer de regarder la misère à ma porte et autour. cela laisse moins de temps pour poster des selfies sur Facebook, mais ça allège (un peu) ma conscience d’humain, avec toute l’horreur de notre nature.
Je vais continuer de sauver des chats et je resterai triste, à chaque fois, pour tous les autres que je ne pourrai pas sauver.
Alors, si vous avez lu jusqu’ici et que vous sentez un tantinet concerné par mes propos, consacrez plus de temps à la misère de nos rues qu’à l’entretien de votre compte Facebook.
Aimez-les, même si personne ne vous donnera de médaille. Votre seule récompense sera de savoir que le petit chat ne mourra pas ce soir, parce que quelqu’un se sera occupé de lui, avec la satisfaction de savoir que demain, toute la journée peut-être, le petit chat ne pensera qu’aux cinq minutes que vous lui consacrerez et au réconfort qui va avec.
Et si, dans votre prise de conscience, vous en avez marre de voir des petits chats souffrir à tous les coins de rue, faites stériliser les vôtres et poussez vos proches à en faire de même.
Antony Rochet
photo : Eléa Leporatti

23 juillet 2015 – Chats Libres de Nîmes Agglo.

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