Être chat au Japon

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Aux Chats libres de Nîmes Agglo, nous sommes tous sensibilisés et confrontés, au quotidien, à la surpopulation des chats errants et aux mauvais traitements qui en résultent : portées à répétition, maladies, abandons et actes de cruauté… Mais ailleurs, dans d’autres sociétés de même niveau que la nôtre, qu’en est-il ?

Quel est le sort réservé aux chats dans les pays éloignés de chez nous ?

Voyons, par exemple, ce qu’il se passe au Japon, le pays idéal en la matière (et dans beaucoup d’autres domaines d’ailleurs !). Pour m’y être rendu à plusieurs reprises et en tant qu’amoureux inconditionnel des chats, j’ai pu constater des différences abyssales concernant les relations qu’entretiennent les Japonais envers les petits félins par rapport à nous. Tout d’abord, il faut savoir que le Japon est un pays amoureux des chats.

Dans l’art et la littérature, il est un symbole de chance, chat noir inclus. Il ne viendrait jamais à l’esprit d’un Japonais de maltraiter ou de torturer un chat. L’éducation stricte qui est dispensée, baignée par la spiritualité de la religion originelle du pays, le Shintoïsme, explique en grande partie cet état d’esprit si respectueux de tout ce qui est minéral, végétal et animal. De nombreux sanctuaires Shinto Inari abritent des statues de pierre représentant renards bienfaisants, rats, blaireaux…

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C’est pourquoi le chat est adulé partout dans les villes et les campagnes. On le retrouve sous la forme d’une statuette bien connue le représentant souriant, assis, avec la patte avant levée en guise de bienvenue !

Il s’agit du célèbre maneki-neko, littéralement « le chat qui accueille ». C’est le porte-bonheur par excellence au pays du Soleil levant.

temple-chat Un temple lui est d’ailleurs exclusivement consacré au cœur de Tokyo, dans l’arrondissement de Setagaya : le temple Gotoku-ji. Des milliers de maneki-neko y sont déposées tout autour du sanctuaire par les visiteurs, en guise d’offrande aux bons esprits.
temple-chat-japon l La visite de ce temple est un pur bonheur !
chaton-japon Les chats au Japon appartiennent à des maîtres qui les considèrent comme membres de la famille à part entière. Ils veillent sur eux comme sur des enfants et ne les laissent pas divaguer la journée, ce qui explique que l’on voit très peu de chats des rues dans des mégapoles comme Tokyo ou Osaka. Je n’ai jamais rencontré, au cours de mes séjours, le regard implorant de chats abandonnés, affamés ou usés par la vie de rue, alors que c’est le cas quotidiennement chez nous. En fait, il y a très peu de chats errants au Japon, car l’achat d’un chaton est un véritable engagement qui se fait exclusivement en ménagerie spécialisée, avec pedigree et tarif en conséquence : 800 € en moyenne.
groupe-chats-errants-japon

Il n’existe pas non plus de grande structure de type SPA qui peut répondre à la demande. Il y a juste deux ou trois micro-associations qui, tout comme nous, nourrissent, soignent et placent en famille d’accueil les blessés et les oubliés des rues.

La stérilisation est une évidence pour les maîtres, qui répondent ainsi au bien-être de leur petit protégé. Ce qui démontre qu’une politique volontariste partagée entre autorités et propriétaires responsables permet de maintenir la population féline en ville, et globalement dans tout le pays, à un niveau raisonnable, évitant ainsi la prolifération et la surpopulation anarchiques.

Les chats y sont tellement appréciés que des magasins entiers leur sont consacrés sur plusieurs étages. Tout est pensé pour eux, de la tenue d’hiver avec manteau et chaussettes polaires (si, si ! ) aux jouets et accessoires adaptés, en passant par les systèmes complexes et automatiques de distribution de croquettes et d’eau fraîche ! Souvent, le temps d’un reportage d’une télévision locale, les chats deviennent les vedettes du jour d’émissions très prisées les montrant en compagnie de leurs propriétaires, qui racontent leur histoire et leur quotidien dans le quartier. Parfois, c’est un commerçant qui possède un beau chat dans sa boutique qui est filmé. Après diffusion en direct du reportage, c’est une foule de fans qui se presse sur place pour faire des selfies avec la star télé du moment, pour le plus grand bonheur du patron !

Alors, n’y a-t-il donc pas de chats errants au Japon ? Bien sûr que si ! En fait, on en voit très peu, et il faut se rendre dans les parcs et les cimetières pour en rencontrer, car ce sont ces lieux propices au calme qu’ils recherchent.

Ils vivent en groupe, mais toujours sous la bienveillance de « gardiens ».

Tel cet ancien ouvrier qui officie à l’entrée du parc du château Himeji, à l’ouest d’Osaka. Ce sont souvent des retraités, mais aussi de petits commerçants de quartier qui mettent à leur disposition des gamelles de pâtée et d’eau. Tout à côté est disposée une petite tirelire accompagnée d’un panneau traduit en anglais expliquant leur action aux visiteurs et les incitant à faire un don pour venir en aide à ces poor homeless cats (pauvres chats sans toit). Il ne fait aucun doute que les yens ainsi récoltés servent exclusivement à la cause des chats, car truander ou détourner de l’argent donné pour une bonne action n’est tout simplement pas concevable dans l’esprit d’un Nippon.

chat-poisson-japon Le Japon se révèle être un pays où il fait bon vivre pour les chats, qui sont au contact d’humains qui éprouvent envers eux attention et respect. Quel pays fascinant !

Jean-Denis, septembre 2016

L’occident est une civilisation du « ou » : toute nouvelle idéologie, tout axiome semble devoir éliminer les autres pour s’affirmer. Les opposés ne peuvent pas s’allier et tout ce qui n’est pas « avec » devient « contre ». A la suite de la parution de cet article, nous recevions cette demande le 5 octobre 2016 :
«  »Je réside au Japon depuis bientôt un an, au sud de Tokyo, et je viens de prendre connaissance d’un article que vous avez publié le 26 septembre dernier, écrit par un certain Jean-Denis au sujet de la situation « idéale » des chats au Japon.

Je suis depuis longtemps engagée dans la protection animale, avec une tendresse toute particulière pour les chats, et j’ai eu envie de hurler en lisant cet article qui ne relate en rien la réalité de la misère animale au Japon, surtout concernant les chats. Je le vis au quotidien sur place et je vais prendre le temps de vous faire un écrit plus détaillé avec sources d’informations à l’appui. Mais s’il vous plait, en attendant, je vous demande de bien vouloir retirer cet article au plus vite, au nom de tous les chats qui souffrent et meurent au Japon toutes les semaines dans des conditions atroces, et au nom de toutes les personnes qui se battent, ici comme ailleurs, pour essayer d’améliorer un peu leur existence qui est tout sauf idyllique. »
Madame X. (la personne désire rester anonyme)


Nous menons une « petite enquête » et nous recevons ce message d’une adhérente de l’association :

« Les Japonais sont souvent pleins de contradictions, et si l’on trouve ces interdictions, il y a aussi des magasins où les propriétaires (des humains qui s’imaginent « posséder » des animaux), peuvent laisser libre cours à leur folie de vêtements et autres accessoires pour animaux… délirants. A priori, pour se procurer un chat, on doit l’acheter dans une animalerie, et ce n’est pas si évident de se procurer un chat « né sous X ». Je vais me renseigner plus, d’autant qu’une de mes amies japonaises arrive de là-bas dans deux semaines (elle aime les chats et en avait un il y a peu) et je lui poserai des questions. Je connais le temple des Manekineko dont parle Jean-Denis.
A Nagoya, où j’ai habité, il y a aussi ce célèbre Manekineko sur la petite place d’un quartier ancien et plutôt populaire : il fait 1,50 m de hauteur!
 Traditionnellement, le chat est plutôt un protecteur, car il chasse les souris et autres petits rongeurs qui foisonnent dans les rizières une fois la moisson faite et l’eau retirée. Dans les ports de pêche, il y a des bandes de chats, innombrables, nourris par les pêcheurs : ils nettoient les restes de poissons. Il y a beaucoup de proverbes mettant en scène des chats, et dans le grand quotidien Asahi-Shimbun, il y a une rubrique consacrée aux animaux de compagnie, dont beaucoup de chats sont les vedettes… chats chefs de gare, chats de personnalités de télévision… les bars à chats sont venus du Japon…« 

Le Japon est une civilisation du « et » : les contraires cohabitent et ont même besoin l’un de l’autre pour s’équilibrer (yin et yang), les systèmes d’idées se juxtaposent. Les japonais adorent la tradition et l’hypermodernité à la fois. En accord avec Jean-Denis, nous avons suspendu notre article en attendant d’avoir plus d’informations et avons reçu ceci :

« Merci de votre réponse, je ne doute pas de la sincérité de l’auteur de l’article, beaucoup de gens ont des a priori positifs sur le Japon, notamment concernant les chats. C’était mon cas avant d’y vivre, mais ce que l’on peut apercevoir lors de séjours touristiques au Japon ne sont que des clichés vis-à-vis des chats qui ne dévoilent qu’une partie émergée de l’iceberg.
Mon conjoint est japonais. Il est né et a grandi au Japon, et lorsque je lui ai fait part de ma tristesse et de ma déception de voir que le sort des chats au Japon n’était en rien enviable, il m’a dit qu’il avait le sentiment que les Japonais aiment surtout l’image du chat, sa « représentation », mais que dans l’ensemble, les gens ne sont pas meilleurs.
Bien sûr, il y a des personnes qui aiment énormément les chats et qui vont les chérir sans compter. Mais il y a aussi beaucoup d’abandons et beaucoup d’indifférence face à ce phénomène de chats errants qui pullulent partout : c’est comme si c’était un « état de fait ».
Heureusement, on compte maintenant un certain nombre de groupes TNR (Trap – Neutered – Release /Capture – Stérilisation – Relâche) qui font un peu l’équivalent de ce que peuvent faire toutes les personnes en France engagées pour la stérilisation des chats errants sur site. Et ils ont du boulot.
Si dans certains coins, vous ne voyez pas trop de chats, c’est aussi parce que la brigade de captures veille au grain. Tous les jeudis, c’est euthanasie ; un chat capturé par la fourrière n’a plus que sept jours maximum à vivre et au bout, c’est l’agonie en chambre à gaz.
J’ai essayé de rechercher des informations en rapport avec la situation des chats au Japon pour mieux comprendre ; les éléments pertinents qui reflètent vraiment la réalité sont surtout issus d’articles rédigés en anglais.
J’ai relevé le chiffre des euthanasies annuelles ; c’est absolument horrible et je préfère vérifier cette information avant de vous la communiquer.
Je n’ai pas encore intégré d’association sur place, mais j’ai pu être en contact par mail et sur le terrain avec l’une d’entre elles, qui est assez importante. Contrairement à ce qui est dit dans l’article, dans lequel l’auteur écrit qu’il y a très peu d’associations et que ce sont des microstructures, il existe d’importantes organisations. Là, il s’agit de « ARK Kansai », dont le site est aussi accessible en anglais. Le premier mail que je leur ai envoyé consistait à leur demander conseil pour savoir comment venir en aide aux chats errants dans notre quartier… je pourrais vous transmettre leur réponse.
Je vais rassembler un peu plus d’informations et vous écrire à nouveau prochainement.
Merci beaucoup de votre considération pour la situation des chats au Japon. Je me doute que l’auteur avait de bonnes intentions et j’aurais adoré que son article reflète la réalité. Malheureusement, c’est loin d’être le cas. »
Madame X.

Nous avons voulu vous montrer, à travers ces différentes réactions, les deux facettes de ce pays. Nous n’avions pas du tout l’intention de donner de fausses informations. Subjugués par le récit de Jean-Denis, nous voulions partager ses souvenirs de voyage, ce qui, finalement, montre bien la difficulté de connaitre un pays quand on est un simple touriste…

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