Voici un courriel en date du 29 octobre 2017, que j’ai plaisir à partager pour les descriptions touchantes et amusantes qu’il contient et surtout pour l’amour envers les plus démunis des minets errants qui s’en dégage.
Bonjour Laure,
Merci pour ce petit coucou, ça fait toujours plaisir de pouvoir échanger un peu…
Donc, je me lance !
Cette année a été rude (quatre mois de grippe, même vaccinés !). Notre Bib, 21 ans, commence à marquer le coup. Son état de santé nécessite des soins suivis. Comme il a encore une petite marge, nous l’accompagnons du mieux que nous pouvons ; on a bien cru le perdre l’hiver passé, car histoire de nous imiter, ils ont tous été malades les uns après les autres, ayant attrapé un virus aussi virulent que nous. Bref, on s’en est sortis… très légers côté portefeuille ! Mais plaie d’argent n’est pas mortelle. La preuve : la chance de voir arriver un remboursement EDF, qui nous avait bien assaisonnés… tout est bien qui finit bien !
Mais pour ce chapitre seulement : voilà la suite qui s’annonce. Un voisin parti, un autre voisin qui me dit » Y’a beaucoup de chats« … 2, puis 1, puis 1, puis 1 … faut trier ! Je piste une minuscule grisette aux mamelles pendantes, maigre, maigre comme un clou ! Elle vient réclamer pitance quatre fois par jour… C’est la chatte de la voisine, une écervelée qui trouve les chatons « mignons » sur l’air » je m’amuse et je pense à rien » : la petite vient de mettre bas et elle est de nouveau gravide : si on reste comme ça, personne va s’en sortir ; bref, intox (je suis méchante) jusqu’à ce que la petite soit opérée : c’était avant-hier, j’attends des nouvelles.. J’espère qu’elle aura tenu le coup. Il y a une petite femelle parmi les chatons : « Tu sais ce qu’il te reste à faire si tu ne veux pas que ça te coûte de nouveau 170 €.. » Et je compense ma méchanceté en apportant pâtées bébés, pâtées revitalisantes mamans et croquettes premium… voilà un côté calmé.

Et les trois autres ? Ben… on déménage et on laisse les chats non opérés et non identifiés, bien entendu. Ils sont jeunes, 2 ans maxi, probablement de la même portée : Gobille est tout noir, mince, très furtif, craintif ; Soliman est… magnifique : gris cendré, tigré clair, une belle tête triangulaire et un regard voilé à la Ava Gardner… il peut faire du cinéma ! Une petite silhouette beige moucheté l’accompagne. Chat ? Chatte ? Je ne sais pas… Je penche pour une chatte, car le museau est court, fin, le regard impérieux et profond. Une belle tête d’ocelot avec de petites oreilles presque rondes… Pas encore de nom pour cette beauté ; ils vont bien tous les deux, ils ont juste besoin d’un point de chute. Ils dorment au pied d’un vieil olivier chez le voisin. J’ai réussi à les photographier ce matin : on ne voit rien, le mimétisme est complet. Qu’est-ce que je vais en faire ? Je ne sais pas. Pour l’instant, je ne peux pas les toucher. Lorsque j’approche la nourriture, Soliman me fait comprendre que ce n’est pas tant « faim » qu’il faut entendre, mais « présence » (normal : les bols remplis le soir sont vides tous les matins, 500 grammes par bol). Donc, on s’observe, on se parle, on se cligne… et on baille ! Mais qu’est-ce qu’on se cligne et qu’on « se » baille ! oui, pour l’instant, tout va bien de ce côté-là…


Parce que de l’autre… Ah ! Dieu de Dieu ! Qu’est-ce qu’il lui est arrivé à celui-là ?
La première fois que je l’ai vu… je ne l’ai pas vu : j’ai vu une ombre. Mais ce n’était pas possible de voir une ombre à cet endroit là, à cette heure là, au moment où il fait encore un peu jour, alors que le soleil est déjà couché… Des ombres sans soleil je n’en connais pas ! Ben si, maintenant ! Alors, je l’ai appelé Gosti, pour rassembler sous un seul vocable son allure « Fantôme des Carpates, cousin du Phantom of Paradise« .
Gosti a gardé l’empreinte de la voiture qui l’a percuté : il est en arc de cercle. Sa cuisse droite est traversée de part en part d’une cicatrice énorme, d’autant plus visible que tout ce côté est pelé. Il est d’une maigreur effrayante, qui fait paraître sa tête encore plus grosse et encore plus de travers. Il a dû être noir, mais il y a des plaques rousses qui apparaissent çà et là… Le jour du fantôme – le jour où je n’ai vu que l’ombre et qu’il m’a fallu interpréter la nuit -, il pouvait à peine marcher. J’ai sorti de la nourriture dans le noir et j’ai pensé : « A Dieu vat ! » Tout reste accessible ici la nuit. Ils peuvent rentrer, sortir, manger, dormir.
Pendant deux jours, rien. Si : un autre, un beau rouquin, pareil, très abimé, arrivé tard le soir, trop abimé et le souffle trop court pour que je tente quoi que ce soit d’autre que le laisser ici, à l’abri. je l’ai revu pendant deux jours dans le jardin. Il paraissait avoir un peu récupéré, puis il a disparu.
Et au bout de deux jours, Gosti a reparu ! Alors là, je vois une dégaine ravagée à la Sergio Leone, mais criblée : j’avance quand même. Je n’ai plus rien à fiche de rien, je rentre, je vais droit vers les bols, je saute sur la table pour finir les assiettes des bourges du coin, je me gave, je me « cute » sur le tapis chinois à deux mètres des proprios qui regardent des « conneries » à la télé et, pour bien leur faire comprendre quel desperado je suis, je me révise les roustons bien peinard.
Celui-là, personne n’en voudra jamais : il fait peur !
Certains s’ennuient et partent aux Caraïbes : il s’en passe suffisamment dans ma petite impasse pour que je reste ici.
Et j’en viens au calendrier des Chats Libres de Nîmes Agglo : puis-je vous dire, Laure, qu’il y a quelqu’un à qui il ferait encore plus plaisir qu’à nous : c’est Wendy, notre petite fille. Elle est comme sa maman Nathalie : déterminée, volontaire, courageuse. Tous les animaux de la maison sont des rescapés, Wen et Nat sont les wonder women de Sainte Marie : tout propriétaire ou éleveur indigne peut trembler !
Voici quatre photos : les deux des « deux beaux » qui sont encore là, Soliman et Phoebus, deux mâles donc. Soli est bien apprivoisé, Phi est plus difficile, très craintif. Quant à Gobille, il est très furtif, c’est impossible de le prendre sans flash quand il vient manger à la nuit tombée – noir dans le noir – et je n’ai pas le courage de lui faire peur rien que pour une photo… on verra !
Gosti a disparu. Il est resté deux-trois jours, je l’ai nourri au maximum. J’y ai cru, car il était assez crâneur, presque enjôleur (le Willie Nelson des chats : On the road again)… et voilà qu’il s’est volatilisé. je n’ai rien trouvé aux alentours. Je n’ai pas eu le courage, là aussi, de mettre ses photos les plus laides, prises quand il était extrêmement maigre… même en photo, ça me rend malade. Dommage, je l’aimais bien, ce pelé plein de plaques.
Peut-être qu’il y a trop de monde ici, ça commence à faire beaucoup. Les « titulaires » rouspètent de ne pouvoir rentrer tranquilles. Soliman a installé un octroi à l’entrée des chatières, ils me sifflent un kilo de croquettes par nuit et le jour, alternance avec la pâtée maison… Avec six titulaires et neuf postulants, je suis débordée, je crains une plainte du voisinage… On m’aime bien (je suis « la dame qui aime les chats« ), mais on ne me passera pas tout, même si parmi ces affamés, certains ont des maîtres qui, hypocritement, ne nourrissent pas leurs bestioles. Moi, je ne peux pas rejeter un animal qui cherche à manger (et mon époux non plus, d’ailleurs).
Bouhh ! Assez de blues ! J’ai lu votre interview parue dans Midi Libre. Il faudrait une campagne de stérilisation au niveau de la ville ou du département ; ça aiderait, mais je les vois plutôt euthanasier pour avoir la paix. Et pour les maîtres… mince ! Un rappel à la loi serait de bon augure ! Mais là aussi, ils seraient capables de zigouiller les bestiaux… Sale époque… déjà que l’on parle d’euthanasier les vieux ! A 70 ans, j’aurais du mal à passer pour une jeunesse et je n’ai absolument pas l’intention de lâcher le morceau !
La prochaine fois, il faudra que je vous parle d’une curiosité qui fait école, ici, parmi les chattes : Zizanie La Baronne nous fait des crises de Bovarysme, quelque peu imitée, mais en moins bien, par Pépito : Michel est l’objet de ce chantage. On ne devrait pas leur laisser accès à la bibliothèque… en tout cas, le vétérinaire s’est bien amusé.
Amitiés
Anne-Marie.