C’est décidé : je l’appellerai Fleur

 

 

 

 

 

Nous  sommes mercredi 26 avril, il a plu toute la nuit.
J’amène mon fils au collège, puis je rentre chez moi, bien au chaud.
Mon portable sonne. Zut ! Je ne peux pas répondre, car j’ai les mains dans la farine : je fais des petits gâteaux !
Puis il n’y a pas d’urgence : le mercredi est une journée tranquille pour ma petite famille.
La personne me laisse un message que je regarde, on ne sait jamais.
C’est un appel de Laure, la présidente de l’association.
C’est très rare qu elle m’appelle en semaine et surtout en pleine journée, car je sais qu’elle travaille et qu’elle n’a donc pas le temps de « papoter ».
Je sens que ce n’est pas bon signe…
Le message est clair : une chatte a été aperçue dans un rond-point, sous de grosses roches, avec deux chatons à peine âgés de deux ou trois semaines.
L’endroit est très fréquenté par les piétons et les voitures.
La chatte est à même le sol, sur la terre, avec ses deux bébés. Et il a plu la veille !
Mais si les chatons ont deux ou trois semaines, comment se fait-il que personne ne se soit arrêté depuis ?
Je ne peux pas me rendre sur le lieu avant 13 heures, car je dois récupérer mes enfants, puis ils doivent manger.
Je n’ai aucune information sur la chatte : je ne sais pas si elle est sauvage, si elle est en bonne santé. Je sais juste qu’elle est noire.
Une petite Misère noire avec deux bébés noirs, invisible, inexistante !

 

 

 

 

 

Je prends une caisse de transport (comme par hasard, je n’ai pas ma trappe !)
Je la repère immédiatement.
Mon Dieu ! Ce n’est pas possible ! Mais comment fait-elle pour survivre là, au milieu de la circulation, des gens, sous la pluie, avec ses deux trésors ?
Ils sont sa seule raison de vivre, ce pourquoi elle se bat… Les deux bébés marchent à peine…
J’en ai les larmes au yeux.
J’ouvre un sachet de pâtée.
Les chatons sont tellement petits qu’il n’y aura pas de souci pour les prendre… mais la chatte ?
Je m’approche. Elle se met à cracher et à souffler.
Je ne sais pas si elle a peur, si elle est sauvage, si elle protège ses petits…
Ce ne sera pas facile !
Je prends les petits et je les mets dans la caisse de transport.
Je répands de la pâtée depuis le dessous du rocher jusqu’à la caisse.
Je me dis que la chatte va y rentrer, entre ses chatons qui miaulent et la nourriture.
Elle s’était éloignée, par peur, mais elle se rapproche. La voilà qui commence à dévorer !
La pauvre, j’ai l’impression qu’elle n’a pas mangé depuis des jours.
Mais elle se méfie. Elle tourne la tête dans tous les sens, elle a vraiment peur, car elle ne s’approche même pas de ses chatons !
Je n’y arriverai pas… Et bien sûr, il recommence à pleuvoir !
Il me faut une trappe… Ouf, j’ai une lumière !
Une personne peut m’en prêter une, et j’espère qu’elle l’a toujours !
Cette fois-ci, je suis armée : j’ai la trappe ! Je retourne sur les lieux à 18 heures.
La chatte est dégoulinante tellement il pleut. Elle se trouve sur ses chatons, qu’elle protège avec amour, force et fatalité aussi.
On ne lui a pas laissé le choix : elle est née dans la rue d’une mère non stérilisée et elle paye le prix de l’ignorance humaine.
Celle qui nous fait dire que « c’est beau les chatons », qu’il faut laisser faire une portée avant de stériliser, car c’est bien pour la chatte (faux, voir auprès des vétérinaires avertis) ou que cela ne sert à rien de stériliser, car l’on trouvera toujours quelqu’un à qui donner les chatons qui, de toute façon, se débrouilleront tout seuls !
Eh oui, cette chatte noire qui a mis bas dans un rond-point, en pleine ville, sous les yeux de tous, elle se débrouille…
Je dois absolument la sortir de là !
J’installe la trappe aux yeux de tous et j’attends, plus loin.
Les gens passent, continuent leur chemin comme si cela était normal de voir une trappe en plein milieu du trottoir. Une dame me dit :  » Elle est trop sauvage, vous ne l’aurez jamais… » Puis elle passe son chemin. Un autre passant me dit : « Ah, vous voulez lui voler ses petits ? »
Je réponds juste à tous ces gens que je veux essayer de la sauver. J’ai envie de crier, mais je laisse tomber.
Enfin, la chatte s’approche. Elle entre puis ressort, une fois, deux fois, et enfin, la trappe se ferme !
Je suis si heureuse ! Elle va pouvoir enfin se reposer, être au chaud avec ses bébés !
Je mets la trappe dans le coffre de ma voiture. La minette en a profité pour me griffer la cuisse avec vigueur, mais je n’ai même pas senti la douleur.
Je mets les deux bébés dans un panier et direction la maison.
Je n’ai plus de place chez moi : j’ai onze chats et quatre chiens ! Mais je lui ai quand même préparé une chambre : on se débrouillera, on avisera.
Elle sort de la trappe, s’accroche aux rideaux et aux murs. Elle n’aperçoit même pas ses deux petits posés devant elle dans le panier !
Je sors de la chambre immédiatement, pour qu’elle se calme.
Je n’y retourne plus jusqu’au lendemain matin, car je lui avais mis tout ce qu’il fallait : eau nourriture, litière, dodo.
Elle ne touche à rien… jusqu’au vendredi matin, où elle mange enfin ! C’est décidé, je l’appellerai Fleur.
Elle était dans la terre, telle une petite graine invisible qui pousse et que l’on aperçoit enfin…
Comme une belle Fleur qui sort de terre !
Le 1er mai 2017 – Véronique V.
5 mais 2017 :
Voila une semaine que Fleur est à la maison.
Elle est toujours cachée sous le lit ou sous la commode.
Lorsque je rentre dans la chambre, elle grogne. Elle ne se calme que lorsque je me mets à lui parler.
Je me baisse et je m’allonge, je veux que nos regards se croisent.
Je lui parle et je lui parle encore, cinq minutes ou dix, je ne sais pas. Et là, la magie opère : elle se met à ronronner et elle « pattoune » aussi, en me faisant des yeux de biche !
J’adore !
Cependant, si j’approche ma main, elle stoppe net et je sens qu’elle a peur.
Parfois, elle se sépare de ses petits.
Je pense qu’elle a besoin, enfin, de dormir tranquille et de se mettre à l’aise dans ses positions.
Je dis « enfin », car son pauvre rocher lui servait de lit, de nurserie, de litière et ce n’était vraiment pas le luxe pour s’étirer ou se séparer quelques petites demi-heures de ses petits pour détendre ses papattes. Le travail de socialisation va être long, très long, mais cela en vaut vraiment la peine, car ma Fleur le mérite !
Elle mérite sa place au chaud, elle en a assez bavé, elle a assez payé l’insouciance et la bêtise des humains.
Elle s’est battue corps et âme pour sauver sa peau et la vie de ses bébés, alors qu’elle n’avait rien demandé.
 

Elle me laisse prendre ses bébés sans crainte, en toute confiance.
Cela me permet de les manipuler pour qu’ils connaissent l’humain, le vrai, celui qui est sans méchanceté, celui qui aime la vie, celui qui ne fait pas de mal… celui qui aime jusqu’au bout !
Comme ils ont grandi en une semaine !
Pour le moment, je n’arrive pas à déterminer leur sexe, mais cela ne change rien… ils sont vivants et surtout, à l’abri de personnes malveillantes.
C’est cela qui me faisait le plus peur lorsque j’essayais de trapper Fleur.
Si je n’y étais pas parvenue, ses bébés auraient risqué beaucoup.
Des enfants qui passent, des personnes mal intentionnées qui n’ont rien d’autre à faire que de les arracher à leur mère…
Mon Dieu, on en voit tellement lorsque l’on est dans la protection animale ! Je ne donnerai pas plus de détails… Bref, la petite famille va bien, chacun vit à son rythme, au chaud, à l’abri de tous les dangers !
Comme le temps passe ! Nous sommes le mardi 16 mai. Fleur évolue a son rythme. Elle est toujours cachée sous le lit, mais elle est vraiment plus détendue.
On le voit à sa façon de se coucher les pattes en rond ou quand elle s’étale comme une crêpe !
Et… VICTOIRE ! J’ai réussi à la caresser ! Incroyable !
Bon, pas les caresses à pleines mains en grattouillant sous le cou ou sur la tête. Non, ce sont de petites caresses furtives, du bout des doigts, qui ne durent que quelques secondes.
Mais enfin, j’ai pu la toucher, fait inespéré il y a encore une semaine !
 Quant aux bébés de Fleur… ce n’est que du bonheur ! Ils sont déjà propres et vont tous les deux dans la litière.Quand l’un y va, l’autre le suit ! Ils mangent et boivent aussi comme des grands.
Je suis fière de Fleur qui, malgré son passé, sa détresse et son stress, a su les éduquer en vraie maman !
Ils jouent comme des fous et s’endorment là où ils se trouvent, tant ils se dépensent.
Leur jeu favori : monter sur le lit et en redescendre aussi vite ! En fait, ils font la course ! Ils sont très différents et je les reconnais du premier coup d’œil.
L’un a une tête plutôt fine, une mini-tache blanche sur la patte et c’est le plus téméraire et le moins trouillard des deux.
L’autre a une tête beaucoup plus ronde. Il reste plus timide et dès qu’il sent un danger arriver, il court très vite se réfugier auprès de sa maman ! Ce sont deux petits mâles.
Ils doivent avoir cinq semaines environ.
Encore merci aux trois personnes qui se sont proposées pour accueillir Fleur. L’une d’entre elles nous semblait convenir et la petite famille devait donc aller chez elle ce week-end. Mais Fleur, pour le moment, en a décidé autrement ! N’étant pas assez sociabilisée pour l’instant, le seul moyen de l’attraper reste la trappe, celle qui m’a permis de la sortir de ses rochers. Fleur étant plutôt intelligente, vous pensez bien que, malgré toutes les idées et astuces que j’ai pu mettre en place, à ce jour, mardi 16 mai,
elle est toujours chez moi ! Sacrée Fleur !Dans tous les cas, rappelons-nous et fermons tous les yeux… Où en seraient les bébés de Fleur, si craquants aujourd’hui ? Écrasés, morts de faim ou de maladie, dévorés par un chien ou encore maltraités par un humain ?
Au mieux, ils seraient devenus « chats sauvages », inapprochables par les hommes, à la recherche d’eau et de nourriture durant leur courte vie de 2 ou 3 ans.
Quant à Fleur, d’ici deux à trois semaines, ses chaleurs vont revenir.
Alors, la boucle sera bouclée. Elle recommencera encore et encore à mettre bas jusqu’à l’épuisement…

13 juin 2017 : Fleur a été stérilisée, puis relâchée chez une amie des animaux. Quant aux deux chatons, ils ont été adoptés ensemble ! Ils seront à leur tour stérilisés le moment venu. C’est enfin le bonheur pour eux trois. Chacun va vivre désormais de son côté. Pour Fleur, ce sera une vie tranquille.

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