Ce soir, je suis triste

Ce soir, je suis triste. Je pleure la mort d’un chat errant.
Un chat que je ne connaissais pas et qui, pourtant, habitait à deux rues de chez moi. Nous ne nous étions jamais croisés. Ou plutôt, il ne s’était jamais montré.
Et puis, il a été blessé, grièvement, et nous l’avons amené chez le vétérinaire. Je l’ai hébergé deux jours chez moi avant l’indispensable opération.
Ce n’est pas long, deux jours. Et moi, durant ces deux jours, j’ai caressé ce minet, je lui ai parlé, je lui ai expliqué qu’il n’irait plus dans la rue, qu’il était un bon chat.

Il a ronronné en réponse à mes câlins et j’y croyais, moi, à tout cela. A sa vie l’après l’amputation. Je voyais bien qu’il avait déjà l’habitude de marcher sur trois pattes, que sa blessure était moche, mais elle n’était pas infectée. Et puis, il avait reçu une piqûre d’antibiotiques, je le réhydratais… alors… alors, pour moi, tout allait bien se passer.
Sauf que. Sauf que. Trop fatigué, trop longtemps dans la rue, blessure trop grave et trop ancienne, trop de tout. Il a lâché la rampe et a commencé à dévisser quelques heures après l’opération.

Il glissait doucement et là encore, moi, j’y croyais. Je me disais qu’il était fort, qu’il avait l’air jeune et puis que ce n’était pas si grave.
Le lendemain matin, le vétérinaire m’a prévenue : il continuait à glisser. Là encore, le déni : il peut peut-être encore remonter !
Trop bas, trop profond, trop loin et la fine corde qui le rattachait à nous s’est rompue. Et moi, j’ai pris le bout de corde en boomerang en pleine figure, histoire de me rappeler à la réalité, à la fragilité de toute vie, fut-elle velue et pesant tout juste trois kilos.
On dit que l’âme humaine pèse vingt et un grammes. Je ne sais pas combien pèse l’âme féline ; je sais juste que cette âme disparue me manque et fait un poids incroyable dans mon cœur.
Adieu minet.

Hélène Bourdon – décembre 2021

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