Ça te dirait de faire un petit tour au Chemin-bas ?

Dimanche 28 juillet aux alentours de 19h20.
Le téléphone sonne, c’est Céline :
« Salut, ça te dirait de faire un petit tour au Chemin-bas ? » (un quartier de Nîmes)
Généralement on trappe dans ce quartier à la nuit tombée donc je lui demande « ce soir ou demain soir ? »
« Le plus tôt possible »  elle m’explique la situation :
Un jeune homme qui aide sa mère à nourrir les chats du quartier l’a appelé tout paniqué.
Des gamins ont littéralement terrorisé de très jeunes chatons – Pour eux les chatons sont de simples jouets à moindres coûts et en plus interactifs, génial !
ecaille-teteLe jeune homme a pu en attraper un (une écaille de tortue) de justesse avant qu’elle ne trouve une cachette inaccessible à l’homme ou ne se fasse écraser. L’autre (un petit roux) a trouvé refuge dans le capot d’une voiture située sur le trottoir d’en face. Imaginez un tout petit bouchon de tout juste un mois traverser une rue où la circulation est assez fréquente et souvent rapide.
La jeune maman des chatons, lâchement abandonnée dans le quartier depuis juste une semaine, très sociable, très avenante, très confiante vis-à-vis du genre humain était désespérée, prête à tout pour ses petits, prête à faire des aller-retour irréfléchis entre le petit logé en-dessous du capot et celui dans les bras du jeune homme .
Le jeune homme a su garder son sang-froid malgré la situation et les hurlements des gamins, il a réussi à attraper la minette et donc à la sauver.

Après l’explication de Céline, je me glisse dans un jean et j’enfile de bonnes chaussures de marche malgré la chaleur, la lourdeur du temps. Aux Chats libres de Nîmes Agglo, il faut s’attendre à tout, donc autant s’équiper au mieux !

roux-deboutQuand nous sommes arrivés sur place, le jeune homme était avec sa maman, ils avaient réussi à mettre la minette et la petite dans des caisses de transport. On les dépose dans le coffre de la voiture de Céline et on se dirige tous les quatre vers la voiture où se cachait le petit roux. Un petit miaulement s’y échappe, un petit miaulement plaintif, un petit appel à l’aide…
Et toujours les gamins autour …
On mets le piège tout près de la voiture avec de la sardine et on attends – attendre est un bien grand mot quand on doit en même temps jouer à la police pour que les gamins s’éloignent du lieu de piégeage.
La dame et son fils vont pendant ce temps-là nourrir les chats de l’autre côté de la barre d’immeuble. Après avoir nourri leurs protégés, ils reviennent nous voir pour prendre des nouvelles, on discute tous les quatre, la maman sur le trottoir et le jeune homme prêt à nous rejoindre en longeant une voiture garée sur le bas-côté. Une voiture arrive, donc il se dépêche de monter sur le trottoir.
BANG (ce bruit je m’en souviendrais toujours), la voiture a frôlé le jeune homme mais pas que …
Hurlement de douleur de la dame, son chat qu’un abruti avait abandonné ici tout petit, son magnifique chat, gris et blanc qu’elle avait vu grandir dans ce lieu. Son chat des rues certes mais son chat tout de même, à qui elle avait donné beaucoup d’amour, à qui elle avait  redonné confiance notamment en l’homme. Son chat était là, allongé sur la chaussée, pris de convulsion, crachant du sang.
Le chauffard s’est arrêté  parce qu’il y avait des témoins sinon il aurait tracé mais bon vu que ce n’était qu’un chat, il ne fallait pas qu’il soit en retard et il a repris sa route…
Pendant que Céline depose l’animal blessé dans une caisse de transport je cherche à avoir le vétérinaire de garde, il était 21h20. Je lui laisse un message pour lui expliquer la situation et dire que nous sommes en route pour le voir. A l’arrière de la voiture, la minette, son chaton ainsi que le chat souffrant le martyre.
On arrive chez le vétérinaire, et le pronostic n’est pas bon : mâchoire fracturée, choc sur la tête, il est dans le coma. Afin qu’il ne souffre encore plus et en sachant que ces chances de survies sont plus que limitées nous décidons de le faire euthanasier.

On repart, et malgré l’émotion on décide de repartir au Chemin-bas pour essayer de récupérer le chaton laissé là-bas. De toute façon on ne pourra pas dormir avec toutes ses émotions. Le chaton est toujours sous le capot ; il suffit que le conducteur démarre… bref l’horreur. Et si jamais il s’en réchappe, il servira de nouveau de jouet à ces gamins.

Et nous revoilà à la case départ, le jeune homme nous attend.
roux-teteAutre nouvelle, il croit avoir entendu un autre chaton sous le capot d’une voiture garée à l’opposé de celle où est le petit roux. Et là j’entends un petit miaulement, je traverse la route m’approche de la voiture et oui en effet c’est bien le miaulement d’un chaton. On apporte le piège et un petit chaton roux descend ! Mais bon, il se faufile et passe dessous d’une voiture à une autre. Ce n’est pas un problème, je bouge le piège. Et là, nous sommes ravies, heureuses, le petit attiré par l’odeur alléché de la sardine rentre progressivement dans le piège. Céline, accroupi afin de voir sous le véhicule, me raconte par gestes et voix basse la progression du chaton. Je ne vois rien à cause de l’obscurité et du fait d’être en retrait derrière le piège.
Céline a peur que le piège ne se déclenche pas à cause de la légèreté du chaton, elle attend qu’il soit bien rentré à l’intérieur et comme une indienne, à pas de velours se rapproche du piège pour refermer la porte de l’ouverture manuellement. Youpi ! Et là c’est l’allégresse ! Mais ce n’était pas fini, il fallait attraper le petit roux de l’autre voiture. On tend l’oreille, rien. Plus de petits miaulements, on met un peu de sardine, on attend un peu. Mais bon, c’est à nouveau la balade nocturne de nombreux habitants du quartier alors même si le chaton est encore là, il ne sortira pas. On n’a plus de piège, on a plus de caisse de transport, nous décidons de rentrer chez nous.

Nuit très courte et très mouvementée avec dans nos têtes, les images sanglantes de cette soirée.

Le lendemain, Céline reçoit un appel de la dame. Celle-ci avec une de ses amies ont réussi à trouver le propriétaire de la voiture, et dessous le capot , il était toujours là, prostré mais toujours là … Ce fameux petit chaton roux ! Ouf, soulagement …
Céline le prend chez la dame en passant récupérer les autres chez le vétérinaire.
La petite famille a été sauvée …
deux-rouxCéline a trouvé une gentille famille d’accueil pour la maman et moi je deviens celle des trois petites minettes (eh oui, ce sont des triplettes). Trois petites femelles qui n’auront pas à vivre l’expérience de leur maman c’est à dire mettre au monde des chatons dans la rue.

Tout ce petit monde sera bientôt à l’adoption – pour les petites il faut d’abord qu’elles se requinquent, elles sont vraiment adorables et très douces. Elles profitent du moelleux d’un coussin et des repas servis à heures régulières. Elles s’habituent au confort je crois.

Merci Isabelle pour ce beau récit qui montre toute la difficulté des actions des bénévoles sur le terrain, de l’implication émotionnelle qu’il faut assumer, sur le travail, la patience, les astuces et la diplomatie qu’il faut développer. Et surtout même si cette histoire se termine par un très beau sauvetage il ne faut pas oublier que cela cache de nombreux animaux qui eux ne connaitront  jamais cette chance et mourront … malades, ou sous les roues d’une voiture ou martyrisés, ou brûlés, ou lapidés…

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