Un dimanche soir d’avril, 21h30. Un mél arrive sans bruit. Les méls, ça ne fait pas de bruit… mais les mots qui le composent peuvent être fracassants ! Celui-ci nous indique une chatte avec ses nouveaux-nés abandonnés dans un bois jouxtant la ville de Nîmes. Les bulletins météo annoncent un déluge pour la nuit. Une photo nous parvient, elle aurait été prise par une personne qui a vu la chatte dans l’après-midi. Même si nous avons mal devant ce genre de situation, nous gardons la tête froide. Nous devons agir de façon rapide mais sans risque pour nous même, et nous devons être efficaces lors de la capture ou du sauvetage. L’une de nos bénévoles court régulièrement là-bas, ce qui nous permet de localiser de façon précise le lieu. Nous regroupons plusieurs d’entre nous et attribuons à chacun une tâche bien précise à accomplir au sein du groupe.
Nous voici sur les lieux, déserts, évidemment. L’heure tardive conjuguée avec le mauvais temps font de cet endroit un décor digne de films à sensations. Mais pour le moment, nous ne remarquons pas cela, car nous cherchons fébrilement le couffin bien reconnaissable par sa couleur et son motif « mimi ». Nous pensons que la maman chatte a déménagé ses chatons pour les mettre dans un abri plus sûr. Mais une chatte d’appartement (vu le couffin, cela ne fait aucun doute), ne peut pas se transformer instantanément en une vraie chatte rurale qui sait se débrouiller !
Nous les apercevons enfin. Le motif « mimi » du panier provoque un choc visuel : comment peut-on déposer sans aucun remord une chatte avec ses bébés, au milieu d’arbustes, près d’un passage pour être visible certainement, mais à la merci de mauvaises rencontres ? Des chiens sont souvent en balade sur ce secteur, sans parler des sangliers. Elle était jetée là, abandonnée avec ses petits, depuis au moins 16 h, selon les individus qui ont pris la photo et nous l’ont envoyée. Et voilà que nous découvrons les bébés, seuls et tout mouillés. Bizarre…
Nous les récupérons et les déposons très vite bien au chaud dans une polaire. Nous voyons passer furtivement la chatte. Elle est affolée, mais comment ne le serait-elle pas ? Elle va dans un sens, puis dans l’autre, sous la pluie qui tombe à grosses gouttes depuis des heures… Chacun de nous tente de la rassurer. Nous avons tous un appel pour nos chats, cela va du « mimimi » au « maouuuu ». Cela pourrait être comique, mais les mouvements désordonnées de la chatte ne nous ont pas permis d’apprécier les différentes vocalises qui se terminent pour certaines dans un éternuement ! Il ne faut pas oublier qu’il pleut.
Nous déposons un piège et attrapons la minette. Nous voilà heureux, vous ne pouvez pas savoir comment ! Nous avons réussi à extirper de ce lieu sinistre et du mauvais temps un animal innocent, qui plus est une maman et ses chatons ! Nous avons aussi, ce soir, vaincu le mal, la bêtise, la lâcheté, la cruauté.
Ah ! Il a dû en falloir du « courage » pour oser les abandonner… La preuve, c’est qu’on leur laisse le couffin, comme pour s’excuser de les rejeter du foyer douillet où ils ont toujours vécu.
Une fois tout le petit monde mis à l’abri dans la voiture, nous revenons chez nous. Il faut installer la maman chatte au mieux. Elle est terrorisée, ses petits sont froids. Nous faisons tout notre possible pour eux, mais ils n’ont pas survécu. La maman est jeune, c’est certainement sa première portée. La pluie, le froid, le stress ne font pas bon ménage avec des petits êtres âgés de quelques heures à peine.
Celui ou celle qui les a abandonnés doit très certainement être à la recherche d’un nouveau chaton, car il ou elle adoooore les chatons, c’est tellement mignon, et puis on aime les voir grandir. Jusqu’à ce qu’ils deviennent encombrants juste quatre mois plus tard… Alors, il ou elle les jettera, comme on le fait avec les encombrants dans nos villes. Il ou elle appellera non pas les services de la mairie, mais une association de protection animale et ainsi il ou elle pensera, l’esprit tranquille : « Je sais qu’ils vont les sauver, donc je n’ai rien fait de mal … » Et puis tout le monde le sait bien : « Un chat, ça se débrouille tout seul » ! Ayons l’honnêteté d’avouer que cela nous arrange de penser cela, une catégorie d’humains tout au moins.
Un jour, il va bien falloir que cela change. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour que cela se réalise le plus vite possible. Mais nous ne pouvons pas le faire tout seuls. Il faut que chacun de nous — et vous aussi, qui lisez ces lignes — se manifeste auprès de sa mairie pour que de véritables campagnes de stérilisation soient mises en place, pour qu’une vraie politique de la gestion féline soit enfin prise en compte au niveau national. Merci pour eux.
RAPPEL : Notre Code pénal assimile l’abandon d’un animal de compagnie à un acte de cruauté. Ce délit est puni d’une peine qui peut aller jusqu’à 30 000 € d’amende et deux ans d’emprisonnement (article 521-1 du Code pénal). Suite à un abandon d’animal de compagnie, le juge du tribunal correctionnel peut vous interdire la détention de tout animal chez vous.
Chats Libres de Nimes Agglo – 5 mai 2015.